
La parenthèse sensuelle
Osons...
Songe d’une nuit d’hiver
La neige s’égrène sur le monde
Comme les mots de mes pensées.
La neige vient poser un rythme doux
À l’immobilité.
L’immobilité,
De la nature, des arbres du jardin
De l’herbe oubliée, foulée.
La neige.
Elle efface, elle gomme, elle feutre,
Elle confine au-dedans de l’appartement.
Elle invite à s’asseoir,
Elle allume une bougie.
Elle tombe comme je tombe des nues.
Elle tombe comme un rideau de plumes.
Perles fines.
Elle voile mon regard,
Elle est épaisse.
Et toi, tu marches sur la route,
Sur la route qui mène à mes pas.
Et toi, tu marches vers moi, homme seul,
Calme et silencieux.
Tu passes sur le perron où j’ai planté quelques pensées,
Tu les regardes.
Ton regard se pose sur les choses que j’ai posées,
Que j’ai posées pour le monde, pour le décorer
Pour le rendre plus plaisant.
Ton regard, celui que tu poses sur moi ce soir,
Tu le poseras sur elle, en rentrant chez toi, dans le sud.
Ton regard fatigué et las,
Scrutateur.
Ton regard. Ton désir.
Je crois.
Mise à nu
De moi, si simple devant toi.
Tu as passé une nuit chez moi,
Parce que je louais une chambre de mon appartement,
Pour me faire quelques sous.
Il neige.
Cette neige est pour nous
Pour nous enfermer
Pour nous bloquer.
Dans cet appartement
Ce soir.
Ne pas prendre la route,
Rester là,
Bras dans les bras.
Ne plus bouger.
Juste une nuit.
Seulement une nuit.
Te laisser glisser tes doigts où tu voudras,
Pendant qu’elle tombe.
Pendant que les notes du piano accompagnent ta main.
Te donner tous les droits.
Te donner le droit d’explorer, de chercher, de fouiller
Toutes mes terres, tous mes champs,
Toutes mes odeurs, marines et champêtres,
Mes saveurs, mes larmes,
Mes eaux, mes ruisseaux d’argent et d’or,
Mes grottes, mes peaux, mes rides,
Mes stries, mes grains, mes granits,
Mes volcans,
Mes poils,
Mes gênes et mes rougeurs,
Mes abandons, mes petits cris,
Mes tremblements,
Mes souffles.
Tu n’es pas à moi et je ne le souhaite pas.
Juste une nuit.
Seulement une nuit.
Je veux me fondre en toi,
Te rencontrer,
Te rejoindre.
J’entends la neige qui se pose dans le jardin.
J’ai l’ouïe fine.
Je la supplie de continuer jusqu’au petit matin.
Pour me laisser vivre,
Au moins une fois,
Une liberté d’aimer
Sans lendemain
Et sans retour,
Sans questionnements,
Sans engagement.
Un temps d’abandon de tout ce que je tiens,
De tenue, de retenue
D’éducation
Un temps d’abandon de l’ancre
Laisser le bateau errer un peu
Entre le port et le grand large,
Vers les rochers,
Sur une barque improvisée,
Une échappée,
Entre ciel et terre,
Entre toi et moi,
Comme des enfants insouciants
Qui savent qu’ils vivent un instant
Tellement important.
Celui des corps qui se touchent.
Ton désir est entré dans ma maison.
Comme ce jour, dans le train, quand j’avais vingt ans,
Un jeune homme inconnu et beau,
M’avait effleuré de son désir
Dans la chaleur de l’été.
Il s’était accoudé à la fenêtre de mon désir
Et j’étais devenue volcan.
Ses yeux sont encore là.
J’avais laissé échapper cet instant.
La lumière réveillera les corps endormis
Et le silence aussi.
Et les pas de Monsieur apparaîtront dans la neige.
Ils repartiront, ses pas doux, ses pas las,
ses pas perdus.
Tu m’as déshabillée de tes yeux,
Je me suis enneigée,
Je me suis déneigée, irisée, déshabillée.
J’ai déposé toutes les armes,
Tous les grigris de mon armure,
Et j’ai joui de mille lumières.
Tu m’as rendu l’amour du corps que j’avais perdu.
Tu m’as réappropriée.
Et le monde a tourné.
Et c’est déjà la nuit…
Et c’est déjà le jour…
Et la musique continue…
Et tu pars sur la petite route
Tes pas craquent dans la neige
Tu dis au revoir
Je ne dis rien.
Je n’ai pas rêvé
Il y a quelques traces de pas dans la neige…
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