Le poème du jour 1

Il n'y a plus d'endroits...

 

Il n’y a plus d’endroit où se cacher

Où se caler, où se calfeutrer

Il n’y a plus d’endroit où se blottir

Il n’y a plus de seins nourriciers

Ni de pain sur la table

Il n’y a plus ni père, ni mère

Ni ancêtres, ni grands-mères

Il n’y a plus d’endroit où se cacher.

 

Je cherche un endroit où me cacher

Où me réfugier

Je cherche un endroit où me réchauffer

Au soleil ou à l’âtre

Je cherche un endroit où me blottir

Le coin d’un feu

Des marrons chauds

Un père, une mère, une sœur.

 

Je cherche un endroit qui ne me connaît pas

Où personne ne sait qui je suis

L’orée d’un bois, une clairière

Une grotte, un abri

Une cabane en bois

Un coin de mousse, un rocher

Un animal sauvage

Je cherche je cherche je cherche.

 

Je cherche un endroit qui m’attend

Une maison au fond d’un bois

Le couvert mis

Le pain sur la table

Le thé dans la bouilloire

Le feu dans l’âtre

Et quelqu’un qui est assis

Sur son vieux fauteuil usé.

 

Je cherche ma grand-mère de Russie

Avec son foulard fleuri

Autour de son vieux visage ridé

Qui sourit quand il m’écoute

Qui ne dit presque rien

Qui est toujours de mon côté

Et qui m’offre son soutien

Et qui m’offre son pain.

 

Je retrouvais souvent ma grand-mère de Russie

Je traversais la forêt pour lui parler

Elle m’attendait

Elle me choyait

Je m’asseyais à ses genoux

Près du vieux fauteuil vert

Et je retissais avec elle,

Entre présent et avenir

Les fils du passé.

 

Je chercherai toujours

Ma grand-mère de Russie

Le retour de l’amie

La chaleur perdue

Le service rendu

La gratuité, la simplicité

L’accueil

L’éclat de rire.

 

Je l’ai trouvé au fond de moi

Cet endroit où me cacher

Cette maison penchée

Avec du pain sur la table

Du thé dans la bouilloire

Cette grand-mère de Russie

Que je peux retrouver

En un clin d’œil, en un instant.

 

Et je m’invente parfois

Des visites impromptues

Dans ce coin perdu

Juste pour la retrouver

Et je reste auprès d’elle

Quelques jours

Le temps de me rafistoler

Et de lui couper du bois  

Pour l’hiver.

 

Je savais où la trouver

Au fond du bois

Juste après le fourré

Derrière les buissons

Après les violettes et les cyprès

Je connaissais le chemin par cœur

Je m’y réfugiais

Dès que je le souhaitais.

 

Et puis d’un coup

Je l’ai perdu

Cet endroit où me cacher

Ce fut soudain

Ce fut brutal

Il s’est perdu dans ma mémoire

Je n’arrive plus à retrouver

Cette forêt imaginaire

L’herbe a poussé sur le sentier

Le chemin

Qui menait à sa chaumière

A disparu.

 

Je suis à nouveau perdue sur ce chemin qui ne mène nulle part.

Je cherche un endroit où me cacher.

Entre broussailles, ronces et ornières.

Dans la nuit, pourtant, j’aperçois une lumière

Lointaine.