Textes

(autres)

 

Particules fines

 

Aujourd’hui c’est alerte aux particules fines

Aujourd’hui j’avais deux heures à tuer

Je me suis promenée en ville

Je me suis posée au bord de la Saône

Pour prendre le soleil

Il faut en profiter

C’est alerte orange aux particules fines

Avec ou sans lunettes de soleil

On voit l’air que l’on respire

C’est le moment ou jamais

De prendre un bain de jouvence

Un grand bol d’air aux particules fines

Un halo flottant au-dessus de la ville

Marquant nettement la différence entre ciel et terre

Entre ville et campagne

À ma droite, un fumeur de joint

me renvoie cette odeur toute particulière du shit

Et pour rythmer le brouhaha de la ville

crache dans l’eau à intervalles réguliers

Des mollards très fins et très précis

Au loin les voitures roulent

Un joli canard passe devant moi

Et son épouse un peu plus tard

Monsieur a un col vert

Qui brille dans le soleil

Tu sais petit canard

Qu’il y a alerte aux particules fines

Et qu’il faut limiter ses mouvements

Ils s’en foutent les canards

Des particules fines

Ils s’en foutent

Ils vivent en couple à vie avec le même partenaire sans se poser la moindre question

C’est un fait

Alors ils n'ont aucune raison de se faire du souci

Un couple d’humains amoureux se joignent à la scène

Et se roulent une clope à côté de moi

Alerte aux particules fines ! ! !

 

J’avais deux heures à tuer

C’est elles m’ont tuée !

 

 

La panne de scanner

 

C’est une fourmilière.

Ça grouille.

C’est en blouse blanche.

Ça fume dans des coins des cigarettes, pour oublier peut-être.

Les ambulanciers costauds et charmants dans leurs blouses blanches.

Les docteurs dans le couloir qui vous disent bonjour en passant.

Panique.

Ce matin, le scanner est en panne.

Ça se démène pour trouver une solution.

La radiologue explique aux patients que la machine est en panne à cause de coupures électriques.

Il y a des étrangers qui ne comprennent pas très bien.

Ils râlent.

Elle leur demande de partir et de reprendre rendez-vous un peu plus tard.

Et moi je reste.

Je décide de rester.

Et d’attendre que cette satanée machine veuille bien se remettre à marcher.

Car le résultat est trop important.

Après je saurai si mon corps veut vivre ou s’il veut mourir.

Alors je reste et j’attends.

J’ai faim.

Je suis à jeun.

Je suis prête à attendre des heures.

Il y a deux ou trois personnes avec moi qui ont décidé d’attendre.

Il y a des bruits dans le couloir. Des bruits de gens qui parlent, de béquilles.

J’attends.

Les techniciens cherchent une solution.

Les couloirs.

Le silence.

L’électricité.

Un bruit de machine. De ventilateur.

 

Aujourd’hui les deux scanners sont en panne.

 

Dans ma tête, ça tourne grave.

Et si la grande machine s’arrêtait pour toujours ?

Et s’il y avait des milliers de blessés à sauver d’un coup ?

Un attentat ? Un carambolage ? Une catastrophe ?

Comment pourrait-on sauver autant de blessés à la fois ?

Sans une machine de scanner en état de marche ?

 

Sur un ordinateur, dans une autre salle, il y a une phrase qui défile, sur la page d’accueil.

Je n’arrive pas bien à lire.

C’est un peu trop loin.

La phrase s’en va, puis elle revient.

Je la fixe.

Ça y est, j’arrive à lire :

 

« Profitons des bons moments de la vie ».

 

(2006)

Ma ville 

 

Ma ville

J’aime tes pentes,

Tes funiculaires,

Tes collines,

Tes Fourvière

Tes Croix-Rousse,

Tes boulevards

Tu es si simple

Tu es facile

On peut te traverser

D’un seul trait

De long en large

De large en long.

 

Tu te donnes facilement

Au passant, au marcheur

Tu es rousse, rosé,

Ambrée, colorée.

Italienne sur tes quais

Ou classique à charité

Libertine et chrétienne

Libertaire et sectaire

Vêtue d’un tailleur à Ainay

Corsetée à Saint-Jean

Artiste enturbannée à Croix-Rousse

Et voilée à Fourvière

On te dit discrète

Et manquer de fantaisie

Je me fiche de tout cela

De ce que l’on pense de toi

Ton cœur bat, ton cœur bat

Tu es discrète, mystique, rebelle,

Tout cela à la fois

Je t’aime comme tu es

Avec tes convictions

Et tes contradictions

et ton esprit un peu violon.

Tu es brouhaha en bas

Et havre de paix en haut

Pas du tout hautaine

Et pourtant si bourgeoise

Tu te caches parfois

Dans tes appartements

Tu travailles en soupentes

Et tu files la soie

Tu cultives le mûrier à la Sainte-Foy

Et tu portes la tenue à la Saint-Jean.

 

Tu es moyenâgeuse dans ta cathédrale

Tu es juiverie dans tes ruelles

Tu nous enseignes tes enseignes

Tu sais, je ne suis pas historienne

Je te traverse sans te connaître

Depuis si longtemps

Je suis dilettante

Dilettante

Mais j’aime arpenter tes pavés

Tes ruelles, tes passés,

Tes passerelles

me donnent des ailes

J’aime en baver dans tes escaliers

Et prier dans tes bénitiers.

Je t’arpente depuis si longtemps

Tes pentes m’ont donné souvent

L’élan d’une chanson

Et tu m’attendais en bas

En me prenant dans tes bras.

Je t’aime tout entière

Comme une mère

Même si je suis attirée

comme un aimant

comme une amante

Toujours vers les mêmes points d’écoute

ou de silence

Saint-Jean l’ancienne

La fraîche au sein de l’été

Je t’aime vivante et silencieuse

Je connais tes petits parcs cachés

Tes cloîtres, tes cafés, tes coins

Mais je me surprends parfois

Et j’aime cela

À me perdre encore en toi

Dans tes hauteurs, dans tes jardins

À chercher le nord du sud

Et le sud du nord

Au-dessus de tes toits

Au-dessus des émois.

Une errance toute relative

Car tu es si facile

Impossible de se perdre

Entre tes deux collines

Servant de repères

 

Je t’habite depuis si longtemps

Parfois je t’ai quittée

Et je suis revenue

Quand j’étais à Berlin

Je te cherchais sans fin

Au bord de la Spree

Je cherchais,

Tes quais colorés

Tes bistrots et tes mets

J’étais un peu sans patrie

Et j’avais du Heimweh.

 

Je te quitterai un jour

Pour d’autres rives

De Loire ou de Seine

Ou d’autres rivières

Pour un autre métier

Ou un autre quelqu’un.

Mais jamais je n’oublierai

Ce que tu m’as donné

Des couleurs à mes yeux

L’élégance à mes pas

Les cours et les passages

L’arrondi de ta Saône

Le mouvement de tes bras

La caresse de ton vent

Sur la passerelle Saint-Jean

Ou ton mouvement d’épaules

Sur la passerelle Saint-Paul

qui s’appelle pour de vrai

La passerelle Saint-Vincent

Adieu ma belle, je t’aime

Et je dois te laisser

Pour aller arpenter

Avec des Artsonnants

Sonnants et trébuchants

Et me laisser désarçonner

Par le manque de repère

Et de précision de mes pas

Dans un parcours audio-sensible

Sur les hauteurs de Fourvière

Où un jour je me perds

Où un jour je me trouve

Mais quoi de plus beau

Que de se laisser surprendre

Par une amie que l’on connaît si bien

Que l’on connaît par cœur

Comme une sœur, un enfant, une mère, une amante

Une amie au cœur pur, une mère au cours doux

Au doux nom, au très doux nom De Lyon.

 

 

(pour un parcours audio-sensible avec l'amoureux des sons Des Artsonnants)

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